With the EU under the control of anti-democratic and xenophobic forces: We will have Europe; but we will have lost democracy!
Le rejet par les Espagnols d’une politique qui les éloignait de l’Europe et les entraînait dans les chimères d’un avenir fantasmatique, à la croisée de Charles Quint et de Franco, confirme qu’il bouleverse l’équilibre européen de ces dernières années. En quelques semaines, avant même la prise de pouvoir effective du gouvernement Zapatero, les rapports de force cristallisés par l’invasion américaine de l’Irak sont caducs ; et cela de manière durable. En effet, contrairement à ce que certains analystes outre-Atlantique ou outre-Manche veulent encore se forcer à croire, les citoyens espagnols ont ramené l’Union européenne dans une dynamique naturelle ; ce que n’était absolument pas la soi-disant « Nouvelle Europe », dont Aznar était l’un des piliers, assemblage de bric et de broc, sans autre identité commune qu’un parrainage de Washington et un agacement par rapport au couple franco-allemand.
En rejetant la manipulation du Parti Populaire et en exprimant électoralement le choix qui était le leur depuis le début de la crise irakienne (à savoir l’opposition de 90% des Espagnols à l’appartenance de leur pays à la coalition americano-britannique), l’Espagne s’est affirmée comme une démocratie mûre et qui rejette la manipulation de ses gouvernants. Pas de quoi se réjouir pour Al Quaida car si ce vote affaibli la coalition qui a entrepris la guerre d’Irak, elle renforce le camp de ceux qui veulent lutter efficacement contre le terrorisme. Ne serait-ce que parce que l’invasion de l’Irak contribue à renforcer les terroristes au lieu de les défaire ; ce dont les Américains se rendent compte aujourd’hui et qui devrait provoquer une probable défaite de George W. Bush en Novembre prochain.
En ce qui concerne l’Union européenne, on peut d’ailleurs constater combien les attentats de Madrid, et leurs conséquences politiques (nos chefs politiques ont compris que les peuples ne plaisantaient pas avec cette question), ont conduit à une accélération de la coordination européenne en matière de lutte anti-terroriste. La nomination d’un coordinateur de ces actions et le renforcement de la coopération entre les services secrets des Etats-Membres les plus grands illustrent ce fait. Comme elle illustre d’ailleurs l’éternelle co-existence d’une Europe à deux vitesses : la coordination pour tous (c’est le rôle de De Vries, le responsable nommé à Bruxelles hier) et la coopération renforcée entre les Etats qui ont des services secrets puissants, se faisant confiance et dont prêts à accroître leurs échanges.
Par ailleurs, on assiste donc au grand retour de la Constitution européenne. Bloquée en Décembre par MM. Aznar (E) et Miller (PL), sur les questions de poids de vote de leurs pays par rapport aux 4 pays les plus peuplés, on peut aujourd’hui envisager son adoption dans les mois à venir puisque M. Zapatero ne fait plus un tabou de cette question. Le Premier Ministre polonais, quant à lui, a déjà commencé à amorcer un tournant à 180°, invoquant … la menace terroriste pour expliquer pourquoi l’Europe avait besoin d’une Constitution. On saura en Mai, quand M. Zapatero prendra ses fonctions, si un accord est possible avant les élections européennes de Juin. En tout cas, cela replace l’UE en ordre de bataille pour affronter les défis des prochaines années. Et, je le répète, c’est une évolution durable car les évolutions des dirigeants polonais et espagnols ne font que rejoindre les positions de leur peuple respectif (ainsi M. Miller n’a que 10% d’opinions favorables dans son pays suite à ses positions sur la guerre en Irak et la Constitution). En démocratie, ce sont les orientations des peuples qui importent dans la durée : les leaders passent ; pas les peuples.
Or, aujourd’hui en Europe, après la crise irakienne, les opinions publiques sont convergentes autour de quelques idées-clés :
- l’Europe est notre avenir commun (que cela plaise ou non)
- l’Europe doit jouer un rôle dans le monde pour renforcer l’autorité de l’ONU, faire respecter le droit international et refuser les guerres préventives
- le terrorisme ne se combat pas à coup de missiles.
Cependant, les Européens sont, et de manière tout aussi convergente, déçus par le fonctionnement institutionnel de l’Europe et le manque d’impact des citoyens sur le système politique et administratif européen. Ils attendent une vision d’avenir pour cette UE à 25, et demain à 27, qui constituera d’ici 2010, le plus important ensemble démocratique jamais construit dans l’Histoire, doté d’une incroyable diversité culturelle : 500 millions de citoyens, près de 30 nationalités différentes. Et, sujet brûlant cette année, ils attendent de leurs dirigeants que cette vision pour l’Europe soit liée à une vision vis-à-vis de nos voisins afin d’éviter une dilution du projet européen : en clair, en 2004, ils attendent que les dirigeants de l’UE trouvent une alternative à l’entrée de la Turquie dans l’UE (ce sera certainement une des questions les plus posées aux candidats aux élections européennes de Juin 2004).
Sinon, l’UE sera bien une machine en ordre de marche, mais elle finira d’ici 2009 par passer sous le contrôle des forces anti-démocratiques et xénophobes. On aura bien l’Europe ; mais on aura perdu la démocratie !
Franck Biancheri, 25/03/2003 (©Franck Biancheri Documentation 2018
Download pdf (french): Un seul pays revient … et tout est repeuplé ! (Franck Biancheri, 25/03/2003)
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Avec l’UE sous le contrôle des forces anti-démocratiques et xénophobes: On aura bien l’Europe; mais on aura perdu la démocratie!
Le rejet par les Espagnols d’une politique qui les éloignait de l’Europe et les entraînait dans les chimères d’un avenir fantasmatique, à la croisée de Charles Quint et de Franco, confirme qu’il bouleverse l’équilibre européen de ces dernières années. En quelques semaines, avant même la prise de pouvoir effective du gouvernement Zapatero, les rapports de force cristallisés par l’invasion américaine de l’Irak sont caducs ; et cela de manière durable. En effet, contrairement à ce que certains analystes outre-Atlantique ou outre-Manche veulent encore se forcer à croire, les citoyens espagnols ont ramené l’Union européenne dans une dynamique naturelle ; ce que n’était absolument pas la soi-disant « Nouvelle Europe », dont Aznar était l’un des piliers, assemblage de bric et de broc, sans autre identité commune qu’un parrainage de Washington et un agacement par rapport au couple franco-allemand.
En rejetant la manipulation du Parti Populaire et en exprimant électoralement le choix qui était le leur depuis le début de la crise irakienne (à savoir l’opposition de 90% des Espagnols à l’appartenance de leur pays à la coalition americano-britannique), l’Espagne s’est affirmée comme une démocratie mûre et qui rejette la manipulation de ses gouvernants. Pas de quoi se réjouir pour Al Quaida car si ce vote affaibli la coalition qui a entrepris la guerre d’Irak, elle renforce le camp de ceux qui veulent lutter efficacement contre le terrorisme. Ne serait-ce que parce que l’invasion de l’Irak contribue à renforcer les terroristes au lieu de les défaire ; ce dont les Américains se rendent compte aujourd’hui et qui devrait provoquer une probable défaite de George W. Bush en Novembre prochain.
En ce qui concerne l’Union européenne, on peut d’ailleurs constater combien les attentats de Madrid, et leurs conséquences politiques (nos chefs politiques ont compris que les peuples ne plaisantaient pas avec cette question), ont conduit à une accélération de la coordination européenne en matière de lutte anti-terroriste. La nomination d’un coordinateur de ces actions et le renforcement de la coopération entre les services secrets des Etats-Membres les plus grands illustrent ce fait. Comme elle illustre d’ailleurs l’éternelle co-existence d’une Europe à deux vitesses : la coordination pour tous (c’est le rôle de De Vries, le responsable nommé à Bruxelles hier) et la coopération renforcée entre les Etats qui ont des services secrets puissants, se faisant confiance et dont prêts à accroître leurs échanges.
Par ailleurs, on assiste donc au grand retour de la Constitution européenne. Bloquée en Décembre par MM. Aznar (E) et Miller (PL), sur les questions de poids de vote de leurs pays par rapport aux 4 pays les plus peuplés, on peut aujourd’hui envisager son adoption dans les mois à venir puisque M. Zapatero ne fait plus un tabou de cette question. Le Premier Ministre polonais, quant à lui, a déjà commencé à amorcer un tournant à 180°, invoquant … la menace terroriste pour expliquer pourquoi l’Europe avait besoin d’une Constitution. On saura en Mai, quand M. Zapatero prendra ses fonctions, si un accord est possible avant les élections européennes de Juin. En tout cas, cela replace l’UE en ordre de bataille pour affronter les défis des prochaines années. Et, je le répète, c’est une évolution durable car les évolutions des dirigeants polonais et espagnols ne font que rejoindre les positions de leur peuple respectif (ainsi M. Miller n’a que 10% d’opinions favorables dans son pays suite à ses positions sur la guerre en Irak et la Constitution). En démocratie, ce sont les orientations des peuples qui importent dans la durée : les leaders passent ; pas les peuples.
Or, aujourd’hui en Europe, après la crise irakienne, les opinions publiques sont convergentes autour de quelques idées-clés :
- l’Europe est notre avenir commun (que cela plaise ou non)
- l’Europe doit jouer un rôle dans le monde pour renforcer l’autorité de l’ONU, faire respecter le droit international et refuser les guerres préventives
- le terrorisme ne se combat pas à coup de missiles.
Cependant, les Européens sont, et de manière tout aussi convergente, déçus par le fonctionnement institutionnel de l’Europe et le manque d’impact des citoyens sur le système politique et administratif européen. Ils attendent une vision d’avenir pour cette UE à 25, et demain à 27, qui constituera d’ici 2010, le plus important ensemble démocratique jamais construit dans l’Histoire, doté d’une incroyable diversité culturelle : 500 millions de citoyens, près de 30 nationalités différentes. Et, sujet brûlant cette année, ils attendent de leurs dirigeants que cette vision pour l’Europe soit liée à une vision vis-à-vis de nos voisins afin d’éviter une dilution du projet européen : en clair, en 2004, ils attendent que les dirigeants de l’UE trouvent une alternative à l’entrée de la Turquie dans l’UE (ce sera certainement une des questions les plus posées aux candidats aux élections européennes de Juin 2004).
Sinon, l’UE sera bien une machine en ordre de marche, mais elle finira d’ici 2009 par passer sous le contrôle des forces anti-démocratiques et xénophobes. On aura bien l’Europe; mais on aura perdu la démocratie!
Franck Biancheri, 25/03/2003 (©Franck Biancheri Documentation 2018
Téléchargez le pdf: Un seul pays revient … et tout est repeuplé ! (Franck Biancheri, 25/03/2003)
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