Le président français, Emmanuel Macron, n’est ni le premier ni le seul à se poser la question de l’utilité de l’OTAN, même si ses propos ont essentiellement effrayé les médias français (propagandistes professionnels à la solde de qui on se demande!). Cette question est récurrente depuis plusieurs années. Après l’Afghanistan, la situation s’enlise avec la Syrie, la Turquie et jusqu’aux aux frontières de l’UE. Même le président américain Trump, mais pour des raisons tout à fait terre à terre et de façon assez déloyale, dénonce lui aussi une organisation qui coûte cher aux Etats-Unis. Et si, comme Franck Biancheri le suggérait en 2008, nous acceptions de considérer qu’après l’effondrement du Pacte de Varsovie c’était au tour de l’OTAN de devoir se remettre en question. A quoi sert l’OTAN? Un QCM auquel nous pourrions répondre toujours aujourd’hui en fin d’article.
Franck Biancheri, 29-08-2008
Eh oui! L’Histoire n’a qu’un seul sens, un sens de l’humour très ironique! Ainsi, après les Communistes, l’URSS, le Pacte de Varsovie et les démocraties populaires, ce sont désormais les tenants de l’Occident irrésistible, de la « fin de l’Histoire » (au bénéfice de ce même Occident), de l’américanisme tout-puissant, des bourses en croissance éternelle et de l’OTAN, invincible épée/bouclier des démocraties capitalistes, qui sont en train de voir leurs rêves s’effondrer.
Le vent de l’Histoire est en train de précipiter tout ce petit monde dans le fossé où ils rejoignent les empires de mille ans et autres élucubrations éternelles que l’esprit humain ne se lasse jamais d’inventer.
Bien entendu, c’est la panique à bord des médias, des conseils d’administration et des chancelleries occidentales. Les bourses ont perdu 30% en un an et continuent à dégringoler, les Etats-Unis s’enfoncent chaque jour davantage dans une crise économique, sociale, militaire et morale sans précédent, l’OTAN s’enlise en Afghanistan et tangue sous les nouveaux coups de butoir de la Russie et l’UE n’arrive toujours pas à décider si elle a un destin à elle ou si elle n’est qu’un appendice de Washington.
Alors, nos propagandistes professionnels (à savoir en France notamment la quasi-totalité des journalistes des médias nationaux qui ont désormais abdiqué toute vélléité d’information du public pour se limiter à la reprise des communiqués des puissants du moment à Paris, Washington ou Tel Aviv) ressuscitent les fantômes de l’Histoire pour tenter de conjurer le destin.
Revoici l’ancienne URSS derrière la Russie actuelle! Revoici les comparaisons avec l’annexion de l’Europe de l’Est par Staline! Revoici le « nettoyage ethnique » pour stigmatiser l’action russe en Géorgie[1]! … et j’en passe.
Allons, allons, messieurs les laquais des puissants du jour, un peu de tenue. Vos lecteurs ne sont pas aveugles et l’Internet existe, avec des médias ou des sites de débats qui échappent au contrôle de vos maîtres.
L’Histoire ne se répète pas. Tout le monde sait bien que la Russie d’aujourd’hui n’est plus l’URSS d’hier, tout comme l’on sait que les Etats-Unis d’aujourd’hui ne sont plus ceux de 1945. Disparu le conflit idéologique côté russe; disparue la légitimité démocratique et libératrice côté américain. La Russie a toujours été une puissance partenaire du jeu européen et elle le redevient. La question se pose en revanche pour les Etats-Unis : peuvent-ils être un joueur du jeu européen[2]?
En fait, si la crise géorgienne actuelle est bien le remake de quelque chose, c’est de la crise des subprimes aux Etats-Unis et de la finance occidentale. Tout comme les pauvres aux Etats-Unis ont été convaincus par des financiers avides de s’endetter au-delà de ce qu’ils pouvaient rembourser, le président géorgien (comme son homologue ukrainien, ou le président afghan, ou le premier ministre irakien, ou un tas d’autres fantoches pro-occidentaux sur la planète) a été convaincu qu’il pouvait prétendre habiter la riche maison occidentale et se débarrasser de l’influence de son grand voisin russe sans grandes difficultés. Grave erreur bien entendu, comme pour tous ces pauvres ménages américains qui ont cru eux aussi au « rêve américain ». La réalité s’est brutalement rappelée à eux : le pauvre ne devient pas riche par miracle …. et le Caucase ne peut pas échapper à sa situation géographique.
Et l’analogie va plus loin. De la même manière que la crise des subprimes a déclenché une crise généralisée de toute la finance occidentale et mis à terre en quelques mois des « rois du monde »[3] comme Bear Stearns, la crise géorgienne fait vaciller l’OTAN qui va y laisser le peu de crédibilité qui lui reste, en Occident et ailleurs.
Enlisé militairement en Afghanistan, l’OTAN fait désormais face à un questionnement croissant des opinions publiques européennes y compris dans les pays traditionnellement atlantistes comme les Pays-Bas ou l’Allemagne tandis que l’organisation s’achemine vers un camouflet chaque jour plus flagrant en Géorgie[4]. A quoi sert l’OTAN? Le QCM devient de plus en plus clair pour les Européens (6 questions avec 6 réponses justes possibles):
- Réponse 1 : A suppléer la politique expansionniste de Washington ou de Tel Aviv
- Réponse 2 : A impliquer les Européens dans de faux conflits (Géorgie) ou des conflits sans fin (Afghanistan)
- Réponse 3 : A attaquer les petits pays sans défense
- Réponse 4 : A rien quand il s’agit d’un pays puissant (comme la Russie)
- Réponse 5 : A priver les Européens de pouvoir voter et décider de l’utilisation de leurs forces armées
- Réponse 6 : A empêcher l’émergence d’une vraie défense commune européenne.
Que l’actuel président français et sa clique d’Américanistes veuillent nous vendre un conflit entre l’Occident et le reste du monde (Russie, Islam, …) afin de coincer l’Europe avec l’Empire américain en pleine déconfiture, libre à eux. Mais libre à nous, citoyens européens, de nous battre pour une alternative et pour signifier clairement un point essentiel : l’Occident n’existe plus. L’Union européenne a désormais des intérêts propres qui ne recoupent plus ceux des Etats-Unis, voire qui peuvent être opposés à ceux de Washington. Moscou et Washington sont des capitales étrangères pour nous citoyens de l’UE. Nous n’avons d’ordres à recevoir ni de l’une, ni de l’autre.
En conclusion, OTAN en emporte le vent de l’Histoire, comme il l’a déjà fait pour le Pacte de Varsovie!
Franck Biancheri, 29-08-2008
[1] L’actuel Ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, est en la matière un spécialiste accompli de propagande. Il raconte absolument n’importe quoi avec un aplomb remarquable et débite mensonges sur mensonges avec une sincérité désarmante, comme avec sa déclaration le 26/08/2007 à propos du « nettoyage ethnique » (sic) qui allait être prochainement commis (re-sic) dans une ville d’Ossétie du Sud, d’après des sources géorgiennes. Quand il sera remercié par ses maîtres, nul doute qu’ils lui trouveront une sinécure en tant qu’éditorialiste dans un de leurs médias.
[2] Et non pas le maître d’un jeu américain en Europe comme ils l’ont été depuis 1945.
[3] Comme la presse appelait encore les grandes banques d’affaires de Wall Street il y a seulement un an!
[4] Et ce ne sont pas les élucubrations d’Angela Merkel sur l’intégration de la Géorgie à l’OTAN qui y changeront quelque chose. A moins qu’elle ne soit disposée à envoyer des soldats allemands pour affronter les Russes dans le Caucase! Ça rappellera sûrement de bons souvenirs à tout le monde.