Alors que nous approchons des célébrations du 60ème anniversaire du Traité de Rome nombreuses sont les pistes proposées pour sortir l’Europe de sa léthargie démocratique. Depuis la création d’AEGEE-Europe jusqu’à sa mort Franck Biancheri n’a cependant défendue qu’une seule voie possible, des élections vraiement trans-européennes. Un processus que soutient par ailleurs l’AAFB, auteure de la « Lettre ouverte aux dirigeants européens: Vers une première vraie élection transeuropéenne » (juillet 2016) et dans le cadre du réseau ICAN pour « Tenter d’imposer un changement positif (et démocratique) au sein de la gouvernance Européenne« . Par ailleurs, notre présidente, Marie-Hélène Caillol a été invitée à Rome le 24 mars prochain dans le cadre des célébrations du traité de Rome dans le cadre de l’appel « Changing the Course to Europe » organisé par le Mouvement européen en Italie.
… dans les années 00 du 21° siècle, la démocratisation de l’Union ne pourra se faire que dans la perspective d’une élection démocratique d’un exécutif européen qui reste à inventer. (Franck Biancheri, décembre 2001)
L’IMPERATIF DE DEMOCRATISATION DE L’UE
Un Etat serait-il démocratique alors que seuls les Présidents de ses régions sont élus démocratiquement (et pas son chef d’Etat) ? Non, bien entendu.
L’Union européenne est-elle démocratique parce que les Chefs des Etats-Membres sont élus démocratiquement ? Non, bien entendu !
Aujourd’hui les citoyens pensent et bientôt payent européen et les institutions européennes mettent chaque jour en œuvre des politiques concernant tout le monde de près. Mais les décideurs que nous élisons au niveau national sont incapables de peser plus qu’un banal lobby sur les orientations politiques du niveau européen. Voilà de quoi faire descendre de plus en plus de gens dans la rue à chaque sommet !
L’Union européenne doit se démocratiser et si dans les années 90 cette démocratisation aurait dû prendre la forme d’une meilleure consultation des citoyens sur les politiques menées par la Commission européenne (ce que les institutions communautaires ont totalement manqué de faire), dans les années 00 du 21° siècle, la démocratisation de l’Union ne pourra se faire que dans la perspective d’une élection démocratique d’un exécutif européen qui reste à inventer.
LES OBSTACLES A LA DEMOCRATISATION DE L’UE
Trois obstacles se dressent sur la voie de l’élection trans-européenne, justifiant bien malhonnêtement les actuelles réticences institutionnelles vis-à-vis de tout processus sérieux de démocratisation :
1- Immaturité des » Euro-citoyens « : Chaque citoyen est un citoyen responsable et mûr au niveau national ou régional. Hélas, il est totalement immature, novice, à l’échelle européenne. En effet, l’absence d’effort de démocratisation de l’Union dans les années 80/90 se paye aujourd’hui par un décalage formidable entre les enjeux européens et la capacité des citoyens à comprendre, choisir et agir à l’échelle européenne.
2- Absence de partis politiques trans-nationaux : La même absence de débat démocratique européen dans les années 90 a bloqué l’apparition de leaders d’opinion et de partis politiques trans-européens susceptibles de porter aujourd’hui des débats et des choix européens. L’UE fait donc face à un vide complet en matière de relais politiques et de leadership politique à son échelle.
3- Absence d’expérience politique trans-européenne : Le faux-débat sur l’élection d’un « Président » de l’exécutif européen l’illustre parfaitement : tous ceux qui ont eu à pratiquer des élections trans-européennes à une certaine échelle (dans les réseaux associatifs notamment) savent que si ce « Président » a du pouvoir, cette élection aboutira à stimuler tous les réflexes nationalistes. Aucun individu aujourd’hui dans l’UE n’incarne et ne peut incarner autre chose qu’un parcours politique/une identité national. Tous ceux qui ont fait l’expérience de demander la confiance d’assemblées ou de groupes importants d’Européens le savent : une élection démocratique européenne aujourd’hui ne pourra pas porter sur un homme ou une femme (qui sera vu comme un » champion national « ), mais devra porter sur l’élection d’une « équipe européenne », incarnant la diversité de l’UE.
Franck Biancheri, décembre 2001
* Cet article a été écrit dans le cadre du projet EUSV (EU-Studentvote), la première élection en ligne d’un conseil trans-européen d’étudiants organisée en mai 2002 par le réseau de Franck Biancheri. Cette première sur internet avait rassemblé environ 80.000 étudiants de toute l’Europe. L’objectif avait été de démontrer la possibilité d’organiser des élections transeuropéennes avec des listes trans-européennes: « Cumuler nouvelles technologies et principes démocratiques pour réussir l’entrée de la construction européenne dans le XXI° siècle ou la e-démocratie au service de l’Euro-démocratie ». D’autres articles sont à suivre sur cette expérience innovante et unique alors.