Transformons la tragédie Grecque en la première épopée de l’Eurozone! (22-03-2010)
Déclaration commune Réseau Franck Biancheri
Dans une tragédie, les héros sont conscients que les dieux jouent avec leur destin sans toutefois être capables dempêcher les désastres de survenir. Une épopée nécessite des combats et des guerres, voire la défaite violente des ennemis les plus sombres. Ce qui ressemble à une tragédie du point de vue grec, ressemble de plus en plus à une épopée du point de vue de lEurozone, parce quelle représente le premier combat d’une guerre globale des monnaies, comprenant le Dollar, le Yuan, le Yen et bien sûr lEuro, le dernier venu dans le jeu mais le plus prometteur, puisquil pèse presque 35% des réserves mondiales de monnaies après 10 ans dexistence. Dun autre côté, il y a le Dollar, qui se débat tragiquement pour préserver sa dominance et la Livre Sterling menant son dernier combat pour sa survie. Entre les deux se trouve le Yuan, qui se demande comment et quand émerger avec un statut global tout neuf. Tout autour, vous trouvez pléthore de médias internationaux, pour la plupart à la solde de leurs maîtres Dollar-Livre, fonds spéculatifs et spéculateurs de toutes sortes essayant de valoriser par des profits à court terme le moindre évènement chaotique. Enfin, au cur même de lépopée, vous avez des milliards de petits héros, les citoyens dEurope, dAmérique, de Chine qui tentent de comprendre ce quil adviendra de leurs richesses, de leur souveraineté économique, de leur futur.
Si tout cela ne plante pas le décor dune épopée, alors notre époque a perdu le sens des grands évènements historiques.
Deux choses sont certaines, cependant, avant dentrer dans les détails de cette histoire:
une épopée a besoin de héros mais très souvent ils se forgent ce statut par eux-mêmes tout au long de laventure, alors quau premier abord rien ne les désigne «à être des héros», emplis quils sont de doutes et dincertitudes
Cest clair, de nombreux candidats de cette nature existent pour le leadership de l’Eurozone; le pays dont les sagas ont été le produit dexportation principal pendant des siècles, est précisément lIslande. Cest indéniablement un bon signe des Dieux!
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Alors, entrons dans le cas grec et ses conséquences pour la zone Euro. Quand Madame Lagarde dénonce léconomie allemande orientée vers les exportations, ou quand Madame Merkel exprime lidée de pouvoir exclure à lavenir un pays de lEurozone, toutes les deux montrent simplement quelles ne comprennent rien à la façon dont lUnion Européenne fonctionne.
Parler pour clarifier et informer, et non pas juste pour faire du bruit
Premièrement, ces questions sont typiques de ce qui devrait être discuté au sein dune Gouvernance Economique de lEurozone sur une base régulière, comme proposé il y a 5 ans déjà par Newropeans*, et non pas lors dune crise, dans des journaux de pays hors zone Euro, mais dans des institutions spécifiques à lEurozone. Pas dans un parlement national, mais lors dun sommet Européen. Sinon, ces déclarations rendent simplement le débat plus obscur, et deviennent des outils pour les spéculateurs.
Deuxièmement, les deux femmes (et elles représentent 99% de lélite politique actuelle de la zone Euro) supposent que lEurozone a été parfaitement organisée, dès son origine au début des années 2000. Grave erreur! Cest un problème majeur avec une génération de politiciens qui ne prêtent attention à lUnion Européenne quune fois leur poste national assuré, un peu trop tard malheureusement pour saisir les règles du jeu. Un problème majeur, en effet, avec les politiciens nationaux qui, comme Madame Merkel et Madame Lagarde, sastreignent uniquement à contenter leurs propres circonscriptions électorales, pour marquer des points en public alors que rien n’a été prévu à lavance dans la dure tâche de trouver une réaction à la crise grecque, pas même une institution de Gouvernance de lEurozone.
Cest pourquoi, la première chose quun politicien de la zone Euro devrait simposer ces temps-ci, cest de ne parler que pour clarifier les choses, et se concentrer sur linformation des citoyens de lEurozone sur le cas grec. Facile en apparence, mais de toute évidence difficile à appliquer ! Finalement, cest un bon test pour voir qui mérite réellement le statut de « politicien européen » !
Donner une perspective à long terme, plutôt que dire nimporte quoi
Une autre chose est sûre: les deux femmes soulignent de véritables problèmes, mais qui nont rien à voir avec la résolution du cas grec, et tout à voir avec les perspectives de la zone Euro après le cas grec. En soi, cela montre que les dirigeants de lEurozone placent déjà leurs pions pour «le jour daprès».
Par exemple, il est absolument ridicule dimaginer une exclusion de la zone Euro, sauf à des fins de pure pression psychologique. Un pays dans une telle situation verrait sa monnaie et sa situation financière tomber en pièces tout en générant un foutoir politique à travers toute lUnion Européenne.
Mais la crise globale est bien en train de mettre fin à ce qui était « la norme », comme lAllemagne utilisant ses partenaires de la zone Euro comme des marchés dexportation, ou les dirigeants de lEurozone agissant comme si lEuro nexistait pas.
Donc, dans les deux cas, les deux femmes auraient été mieux inspirées de donner une perspective pour les changements de gouvernance à venir dans lEurozone pour les 3 à 5 prochaines années, plutôt que de donner limpression de se disputer sur une vision à court terme de la crise.
Les deux femmes auraient pu mettre en évidence lun des points suivants : le fait quune guerre monétaire globale avait commencé, avec Washington et Londres essayant de défendre leur monnaie contre les nouveaux venus que sont lEuro et le Yuan.
Et que, dans une telle guerre des devises, la « salle de commandement » ne peut saccommoder dadversaires, ce qui pose la question du futur rôle de toute institution Européenne incluant des pays hors zone Euro, quand il sagit de prendre des décisions pour lEurozone. La position du Royaume-Uni est particulièrement mise en défaut, tant il est évident pour tous que les intérêts de la Livre Sterling sont quasiment contraire aux intérêts de lEuro.
Enfin, elles auraient pu expliquer pourquoi la zone Euro a besoin pour les années à venir dune « Force Rapide de Déploiement Financier », tel quun Fond Monétaire Européen, dédié aux intérêts de la zone Euro. Une des principales raisons étant que la zone Euro ne peut plus faire confiance au FMI (aux mains de Washington) pour respecter ses propres intérêts plutôt que ceux du Dollar.
Bien sûr, ces questions sont typiquement ce qui devrait se discuter au sein dune Gouvernance Economique de lEurozone, non pas lors dune crise, ni dans les médias britanniques ou américains, mais au sein de la sphère publique européenne, avec une approbation démocratique des citoyens européens.
Au moins pouvons-nous espérer que la situation actuelle rappelle à nos dirigeants que « gouverner cest prévoir ». Quelque chose quils ont visiblement oublié.
Expliquer les options possibles pour résoudre le cas Grec
En particulier parce quil ne fait aucun doute que le cas grec sera résolu. Cinquante milliards deuros, cest peu comparé à ce que les banques européennes ont reçu lan dernier.
Soyons clairs: la Grèce nest pas Lehman Brothers car cest une crise très prévisible. Labsence de processus pour résoudre cette crise fait que chacun est impliqué dans le bras de fer. Et les médias financiers US et britanniques attisent le feu autant que possible pour éviter que les gens ne regardent leur propre et beaucoup plus problématique dette publique. La commission Européenne aurait préféré voir le FMI intervenir plutôt que davoir la zone Euro sen sortant toute seule parce que la commission est aussi britannique et suédoise et elle perd un peu plus chaque année le contact comme institution Européenne avec lEurozone qui est le moteur central.
Mais dans tous les cas, à la fin, la mise en place de la stratégie viendra de la Banque Centrale Européenne. Elle ne peut agir directement, mais elle est le joueur le plus puissant avec léquipe la mieux préparée. Cest la seule institution qui opère en « mode de crise » depuis plus de deux ans maintenant.
La solution viendra de la BCE qui continuera à acheter les emprunts grecs, des grandes banques achetant certains produits de la dette grecque et un mélange de Fonds Structurels Européens et dargent des banques de Fonds européens d’investissement.
Peut-être quà court terme la mauvaise solution dintégrer largent du FMI (qui est aussi largent de la zone Euro) sera retenue. Solution mauvaise car donnant aux USA et au Royaume-Uni un moyen davoir un impact sur la gouvernance de la zone Euro, ce qui est exactement une des raisons pour lesquelles elles ont commencé cette guerre contre lEuro il y a quelques mois.
Mais, à moyen terme, la situation accélèrera la volonté européenne de construire son propre Fond Monétaire Européen, loin du FMI et de linfluence US, comme lAsie la déjà fait.
Les citoyens grecs devront souffrir pour sortir de 40 ans dun management irresponsable de leur pays. Mais les autorités grecques, tout comme les Grecs eux-mêmes, montrent quils sont sérieux dans leurs efforts. Contrairement à ce qui se dit dans les médias, le peuple grec ne manifeste pas massivement contre les mesures daustérité; la plus grande manifestation a réuni 70 000 participants à Athènes, alors quils étaient 150 000 contre linvasion de lIrak en 2003!
Utiliser au mieux la crise grecque pour améliorer la gouvernance de la zone Euro
Alors, utilisons la crise grecque le mieux possible du point de vue européen et aidons à moderniser le système politique de la Grèce pour sortir de son féodalisme, car c’est une grande attente des citoyens grecs.
De cette manière, entre partenaires soutenant lévolution structurelle de la politique et de léconomie, et non pas comme détracteurs avec uniquement des intérêts à court terme, nous utiliserons le cas grec pour permettre à la zone Euro de devenir une entité économique mature en ajoutant un mécanisme de gestion de crise à son processus de gouvernance. Car tous les dirigeants de la zone Euro niaient fermement depuis une dizaine dannées la nécessité dune réforme de la gouvernance de lEurozone.
Ainsi, les Allemands et les Hollandais auront à utiliser leur rigueur budgétaire (qui nest pas un trait héréditaire mais un caractère acquis) pour aider la zone Euro à prendre sa propre forme.
Les pays méditerranéens et lIrlande devront shabituer à un nouveau monde où lEuro empêche les mauvaises habitudes passées et où la crise globale à mis un point final à la croissance par la dette publique.
Les Français devront montrer quils sont toujours capables de combler lécart entre les Européens du Nord et ceux du Sud (ce qui demande dêtre crédibles des deux côtés).
Et tous équilibreront leurs coûts budgétaires grâce aux énormes avantages quils retireront dune zone Euro pleinement fonctionnelle.
En conclusion
La crise actuelle autour du cas grec est plus que tout un manque danticipation de la part des dirigeants de la zone Euro, mis à profit par des pouvoirs conduisant une attaque contre toute devise menaçant la suprématie du Dollar.
Labsence danticipation est évidente quand on regarde le Traité de Lisbonne, qui nest daucune utilité en ce domaine. Comme Newropeans, qui le répète incessamment, ce Traité a été fait en regardant vers le futur à travers le rétroviseur. Maintenant nous en avons la preuve. Et Madame Merkel qui était la première à déclarer que ce traité devait sappliquer même contre la volonté des citoyens Européens, puisquon ne leur demanderait pas leur avis, réclame maintenant des adaptations que le Traité ne prévoit pas. Hé bien espérons que la prochaine fois Madame Merkel ne dénigrera pas si facilement la valeur ajoutée de débats publics sérieux quand il sera question du futur de la zone Euro, le cur même de tout futur européen.
Une fois retombée leffervescence à propos du cas grec, dans les prochaines semaines, ce quil en restera ce seront juste deux faits primordiaux de ce monde en crise:
la première vérité est que les pays vivants essentiellement endettés seront forcés lun après lautre de traverser une période critique, puisque leur modèle économique a été anéanti par la crise. Le Royaume-Uni et les USA sont les prochains sur la liste.
la seconde, est que la gouvernance de la zone Euro doit rapidement se créer ainsi que les structures nécessaires pour le management de lEurozone, en incluant un processus démocratique, car la crise grecque a attiré un fort niveau dattention de la part des 300 millions de citoyens de lEuroland. Ces 300 millions de citoyens en ont assez de lincapacité de leurs dirigeants à anticiper lévidence: quun jour un tel cas puisse émerger. Plus tôt que ne limagine la plupart, les citoyens de la zone Euro en appelleront à une gouvernance démocratique pour lEurozone.
Nous verrons alors qui aura anticipé correctement les évènements quand ce jour viendra!
avec Marianne Ranke-Cormier, Rédactrice en Chef de Newropeans-Magazine2009, Margit Reiser-Schober, General Secretary de Newropeans2009, Veronique Swinkels, Vice-Présidente de Newropeans2009
Let’s transform the Greek tragedy into the first Eurozone epic!