(La rédaction, 24/09/2019) L’idée de créer AEGEE-EUROPE n’était donc pas seulement celle de créer un nouveau mouvement étudiant européen, mais bien plus d’entreprendre une approche entièrement nouvelle de la construction européenne, partant des jeunes et des citoyens, dépassant par le bas les états-nations et complétant ainsi le processus communautaire commencé en 1957.
De retour de Mollina, où Marie-Hélène Caillol et Marianne Ranke-Cormier ont été invitées par AEGEE-Europe dans le cadre du FB Award Europe2040 pour animer quatre sessions sur la participation des jeunes et la démocratie “Capitalizing youth empowerment! Action seminar” qui a eu lieu lors de la 20ème édition de l’Université de la Jeunesse et du Développement (UYD). Combiner le destin d’une Europe démocratique en 2040 avec l’avenir d’un des plus grands réseaux d’étudiants européens créé il y a 35 ans par Franck Biancheri, comprendre d’où vous venez, ce que vous représentez, quels sont les défis que vous devez relever dans ce nouveau siècle, construire la perspective des jeunes proposée par l’AEGEE sur la méthode de l’anticipation politique, est une réflexion de fond à laquelle les étudiants d’Aegee ont eu deux jours de travail. Quatre sessions animées par Marie-Hélène Caillol, présidente de LEAP, illustrées par des exemples tirés de l’histoire d’Aegee dont le petit livre bleu « L’EMERGENCE DES EUROCITOYENS – Une brève histoire d’AEGEE-EUROPE, de sa création à avril 1988 » écrit par Franck Biancheri en 1996, dont nous publions ci-dessous des extraits. Parce que « AEGEE est génétiquement programmée pour être tout sauf un simple mouvement étudiant européen »… rappelons-nous quelques fondamentaux.
[Premier extrait issu de: EGEE I (Janvier 1984 – Juin 1985) – p19/20]
[…/…] L’idée de créer AEGEE-EUROPE n’était donc pas seulement celle de créer un nouveau mouvement étudiant européen, mais bien plus d’entreprendre une approche entièrement nouvelle de la construction européenne, partant des jeunes et des citoyens, dépassant par le bas les états-nations et complétant ainsi le processus communautaire commencé en 1957.
Contemplant les splendeurs décaties de nos états-nations et insensibles aux charmes pervers des deux empires dominants, nous étions convaincus qu’il nous fallait créer une nouvelle voie vers l’avenir, organisant les Européens différemment pour pouvoir affronter avec une meilleure chance de succès les problèmes qui attendaient notre génération.
Mêlant principes d’action (bénévolat et efficacité) à des valeurs idéales (démocratie, indépendance, transparence), ce chemin ne nous mènerait quelque part que si nous le tracions nous-mêmes.
Nous sentions intimement la voie à suivre : ce passage étroit qui s’avance là où l’individu et la collectivité sont en équilibre, cette Via Europea par excellence.
Aussi, sans nous fixer aucune cité idéale, conscients que désormais, dans un monde changeant, suivre son propre chemin est plus important qu’essayer d’atteindre (toujours en vain) un “lendemain qui chante”, nous nous mîmes en marche.
Comme tout le monde peut le constater, c’était bien un projet politique depuis le premier jour, et un projet très ambitieux, politique au sens le plus noble.
L’idée d’AEGEE-EUROPE est ainsi d’une complexité bien supérieure à celle d’un simple mouvement étudiant européen en passe de naître. Elle possède en effet certaines caractéristiques supplémentaires :
– le sentiment puissant d’assumer une responsabilité collective pour l’avenir de l’Europe ;
– la certitude d’être les pionniers d’un nouveau type d’intégration européenne ;
– une approche spécifique que nous appelions dès cette époque « l’utopisme pragmatique », qui vous pousse à créer les moyens servant vos objectifs, et non pas à définir vos objectifs en fonction des moyens que vous possédez.
Ces caractéristiques sont enracinées dans les trois premières années d’AEGEE-EUROPE et ont modelé le comportement collectif de plusieurs centaines d’entre nous (tout particulièrement de ceux qui figurent impliqués au niveau européen).
Plus tard, c’est aussi ce qui a placé AEGEE-EUROPE dans les profonds dilemmes concernant son identité. En effet, AEGEE est génétiquement programmée pour être tout sauf un simple mouvement étudiant européen. […/…]
[Second extrait issu de: Never did so many (European students) owe so much to so few – p28]
[…/…] Pratiquement, et dans l’esprit, c’est donc ainsi qu’AEGEE-EUROPE débuta.
Les grandes difficultés que nous étions parvenus à surmonter avec succès dès le congrès fondateur nous ont permis de mettre en évidence quatre caractéristiques d’AEGEE-EUROPE pour les trois premières années.
- Nous étions : un mouvement très volontariste qui identifiait d’abord ses objectifs, puis mobilisait ses énergies pour trouver (ou créer) les moyens de les atteindre (par exemple l’année suivante avec le lien vidéo-satellite) ;
- une organisation qui inscrivait son action dans la durée et prouvait à son environnement (membres potentiels, banques, sponsors, institutions, etc.) que, contrairement à une image répandue, les jeunes et les associations peuvent être fiables ;
- un mouvement d’étudiants qui souhaitait parler au nom de la jeunesse, non pas parce que nous étions jeunes, mais parce qu’en tant qu’étudiants nous avions la chance de bénéficier d’une éducation poussée, d’avoir accès aux universités et donc d’exercer d’une certaine forme d’influence dans nos sociétés. Nous pouvions ainsi servir de porte-parole à la jeunesse concernant les questions européennes, à condition bien sûr de ne pas nous reposer sur un monde étudiant étroit, mais de rester ouverts aux autres jeunes et de maintenir un dialogue constant avec le reste de notre société : institutions, médias, entreprises…
- un mouvement novateur qui acceptait de prendre des risques importants pour atteindre ses objectifs. […/…]
[Extraits issus de: La création des statuts (Juillet– Novembre 1985) – P31/36]
- […/…] Une organisation européenne sans niveau national […/…]
- […/…] Faire se rencontrer les Européens plutôt que parlerd’Europe […/…]
- […/…] Le français-anglais non traduit : l’EGEE-lingua […/…]
- […/…] Une organisation nouvelle fondée sur trois innovations […/…]
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- Un niveau européen puissant, équilibré par un grand nombre d’antennes locales sans niveau national […/…]
- Un CD responsable, élu par liste, prouvant ainsi à l’Agora sa capacité à agircomme une équipe cohérente […/…]
- Une pratique linguistique interne (avec les 50 %-50 % de français-anglais nontraduits) et externe (avec la langue des pays intégrée à chaque colloque en plus dufrançais et de l’anglais) représentant un compromis dynamique entre la contraintepratique et la nécessité culturelle européenne […/…]
Une brève histoire d’AEGEE-EUROPE, de sa création à avril 1988
de Franck Biancheri, 1996