« L’économie a été utilisée avec succès par les gouvernements de l’UE comme moteur de l’intégration. Mais aujourd’hui, de nombreux citoyens ont le sentiment que les processus de décision en matière économique sont hors de portée, que le politique a disparu, laissant place à une administration technocratique et sans transparence au niveau européen, qui force souvent les choix idéologiques au nom de l’intérêt commun européen. Parallèlement, des entreprises aussi, en particulier les plus petites qui représentent une part essentielle de notre tissu économique, se plaignent du caractère inaccessible des activités de régulation de Bruxelles et des conditions défavorables qu’elles génèrent pour elles. »
C’était en décembre 2007, sous la présidence de Franck Biancheri, les Newropeans rendent alors public leurs propositions sur les questions socio-économiques en Europe. Elle sont alors publiées en Français, Anglais, Allemand et Polonais.
La position de Newropeans sur les questions socio-économiques – Proposition finale du 10/12/2007
Introduction
1. L’économie a été utilisée avec succès par les gouvernements de l’UE comme moteur de l’intégration. Mais aujourd’hui, de nombreux citoyens ont le sentiment que les processus de décision en matière économique sont hors de portée, que le politique a disparu, laissant place à une administration technocratique et sans transparence au niveau européen, qui force souvent les choix idéologiques au nom de l’intérêt commun européen. Parallèlement, des entreprises aussi, en particulierles plus petites qui représentent une part essentielle de notre tissu économique, se plaignent du caractère inaccessible des activités de régulation de Bruxelles et des conditions défavorables qu’elles génèrent pour elles.
2. Les propositions de Newropeans dans le domaine des politiques socio-économiques ont pour objectif de rendre de nouveau possible les prises de décisions démocratiques dans le secteur économique là où elles ont été perdues au niveau national. Cette question concerne tous les pays qui font partie du marché unique, et plus encore ceux qui partagent l’Euro.
Notre conception du modèle socio-économique de l’UE
3. Nous pensons que la grande majorité des citoyens européens d’aujourd’hui souhaitent vivre dans une économie sociale de marché, dans laquelle des systèmes efficaces garantissent la sécurité sociale dans les Etats membres et la cohésion entre les Etats membres. Seule une cohésion suffisante à l’intérieur des frontières européennes peut fournir une base socio-économique saine pour des prises de décision et des actions transeuropéennes communes.Nous sommes convaincus que les citoyens Européens exigent aujourd’hui des politiques qui assurent un développement économique, social et environnemental durable pour les générations futures. Ceci doit être un principe directeur de toute politique économique afin de garantir que les décisions servent les intérêts des européens à long terme et respectent leurs droits de citoyens Européens.
4. L’UE ne devrait intervenir dans le secteur des politiques socio-économiques que lorsque les biens publics européens sont en jeu. Les Etats membres et les régions devraient conserver un degré élevé d’indépendance en ce qui concerne par exemple les choix en matière de système de sécurité sociale, mais certains standards élevés à l’intérieur des frontières européennes devraient être agréés démocratiquement pour se prémunir des effets malsains de la concurrence sur la stabilité politique et sociale.
5. Cependant, lorsqu’il est nécessaire de prendre une décision au niveau européen pour compléter l’intégration monétaire et du marché déjà achevée, cette prise de décision doit être légitimée démocratiquement. Les choix politiques doivent résulter de débats transeuropéens et de décisions prises par des institutions démocratisées de l’UE représentant les citoyens de tous les Etats membres. L’Union Européenne doit saisir sa chance de moderniser son propre modèle socio-économique futur qui garantira la diversité, un développement durable et les valeurs humanistes sur lesquelles elle s’est construite. De cette façon l’UE sera un modèle pour les autres régions économiques dans le monde, avec qui elle pourra s’engager à un niveau global à lutter pour un ordre économique mondial durable.
Les citoyens dans le marché unique européen
6. Lorsque l’avenir du marché unique de l’UE est en jeu, les citoyens européens ne devraient pas être considérés uniquement comme des «consommateurs». En tant que citoyens, ils ont aussi des intérêts, des attentes ou des craintes économiquement ou commercialement légitimes et constructives. L’opinion des citoyens sur les questions socio-économiques doit être prise en compte afin de bâtir une société européenne prospère et démocratique dans les prochaines décennies.
7. La réduction des coûts d’itinérance des téléphones portables et les possibilités offertes aux compagnies aériennes opérant dans l’UE sont un bon début, bien que modeste. Il faut prendre d’autres mesures pour diminuer les coûts empêchant les citoyens moyens de créer et gérer des organisations de société civile transeuropéennes actives, condition préalable à toute démocratisation réussie de l’UE. Les transports publics, l’énergie, la sécurité alimentaire et la santé sont d’autres questions qu’il faut étudier du point de vue des citoyens.
8. Afin de garantir la mobilité des travailleurs au sein du marché unique, un système européen de sécurité sociale devrait être mis en place pour les citoyens qui souhaiteraient y souscrire (et renoncer à leur système national). Le débat démocratique et le processus décisionnel permettraient de déterminer si un tel système doit être organisé par une entité publique ou privée et s’il doit intégrer des éléments de redistribution. Un système de sécurité sociale européen diminuerait la pression qui pèse sur les Etats membres pour une harmonisation de leurs systèmes nationaux, tout en apportant aux citoyens qui le souhaitent une alternative européenne réelle et entièrement mobile.
Un marché unique européen avec une solidarité européenne commune
9. Newropeans est convaincu que les réseaux sont les organisations les plus efficaces pour agir au niveau européen. Ils associent diversité de composants et unité d’action, une condition à la réussite de tout projet ou organisation transeuropéens. Toutefois, au cours des 20 dernières années, les réseaux n’ont été utilisés et développés que dans deux domaines quelque peu en marge de la dimension principale du marché unique européen (recherche et haute technologie européennes (Ariane, CERN, Thalys, Eurostar, …) et dans le domaine des programmes européens internes (réseaux universitaires, ONG, autorités locales, …).
10. En revanche, pour les domaines politiques qui sont au coeur du marché unique, c’est la compétition classique entre les organisations pyramidales et leurs procédures de gestion très uniformisées qui a été choisie comme structure organisationnelle unique, sans décision ni débat publics. Newropeans va encourager des solutions alternatives, en particulier dans les secteurs où l’intérêt public est directement concerné, avec par exemple des réseaux énergétiques, des réseaux ferroviaires, de santé publique, de sécurité alimentaire, etc. Les réseaux transeuropéens, qu’ils soient publics ou privés, devraient être davantage explorés comme une réponse à la préservation de la diversité et des spécificités européennes tout en améliorant l’efficacité et la compétitivité.
11. Il existe plusieurs manières compatibles de gérer un marché fort de 500 millions de personnes. Newropeans a l’intention de n’empêcher la soumission d’aucune option efficace. Et pour chaque option démocratiquement choisie, nous mettrons invariablement l’accent sur le fait qu’il faut faire avancer la concurrence au sein de l’UE en parallèle avec la cohésion économique et sociale et la solidarité. Non seulement ces principes communs sont au coeur des succès de l’Europe moderne, mais il doit être clair pour tous les Européens que nos systèmes de sécurité sociale ont été et sont encore, tout autant que le projet européen lui-même, des instruments-clés pour empêcher le retour de guerres de grande ampleur et d’extrémismes sur notre continent. Cette nouvelle dimension de la solidarité, exprimée depuis le tout début du projet européen, à travers les fonds structurels, doit être modernisée et nourrie afin de s’assurer qu’aucune partie de l’UE n’ait le sentiment concret de perdre quelque chose avec le processus d’intégration.
Administrer le marché unique
12. L’Union européenne doit faire face à un choix crucial: garantir que le marché unique est administré et réglementé de façon légitime et démocratique. C’est selon nous la seule manière de conserver le marché et la monnaie uniques dans l’UE.
13. Si l’UE n’est pas complétée par une union politique européenne basée sur des processus décisionnel démocratiques, le marché unique sera et devrait être moins intégré. Nous supposons qu’il pourrait lentement mais sûrement se désintégrer car de moins en moins de politiciens nationaux souhaite et est capable de défendre le marché commun vis-à-vis de leurs concitoyens. S’il n’y a pas pleinement de prise de décision démocratique au niveau de l’UE, pour des raisons de légitimité, l’UE doit réguler moins et la question de reconnaissance mutuelle (basée sur le verdict du Cassis de Dijon de la Cour européenne de justice) doit être remis en question car il impose une surcharge réglementaire automatique des réglementations nationales et de plus violent la démocratie au niveau national. Si ces grands principes réglementaires de l’UE (tels que celui de la reconnaissance mutuelle) devaient être maintenus, les citoyens européens doivent pouvoir faire part de leur avis et de leurs choix dans la définition des éléments-clés du système.
14. Si l’Europe opte pour la constitution de marchés communs dirigés par un gouvernement européen, la régulation des marchés et la politique de concurrence devraient être complétées par une politique commune en matières fiscale et industrielle. Chacune de ces deux politiques devrait prendre en considération les besoins spécifiques des petites et moyennes entreprises, et particulièrement des entreprises familiales, qui n’ont pour la plupart pas d’accès global au capital, aux marchés et à la force de travail.
L’Union monétaire européenne – un challenge à part
15. Avec l’arrivée de l’Euro, les Etats membres ont dû transférer une large partie de leurs compétences en matière économique au niveau européen. Au fil des années depuis l’adoption de la monnaie unique, il apparaît clairement nécessaire de revenir sur le processus et les compétences attribuées en matière économique – aux niveaux national et européen.
16. Aujourd’hui, le processus de décision s’appliquant en matière de politique économique pour les pays de la zone Euro souffre d’un important déficit démocratique. Les institutions et le processus de décision sont opaques car largement informels, et ce qui est identifié comme de la coordination douce cherche en fait à installer certains principes et certaines logiques dansle processus de décision. Plus grave encore, il n’y a aucun contrôle démocratique de la politique économique aujourd’hui, tout simplement parce que les principaux acteurs de cette politique ne sont pas responsables devant l’électorat.
17. Cette remarque s’applique particulièrement à la politique fiscale. La politique budgétaire ne consiste pas simplement en l’allocation du budget aux différents programmes et en la redistribution des fonds dans la sphère de la société, ce que les Etats membres continuent d’ailleurs de faire dans leur contexte national et selon leurs préférences. Mais dans n’importe quelle démocratie occidentale, la politique fiscale sert également de stabilisateur économique au processus des affaires. Selon l’organisation de l’Union monétaire européenne, la stabilisation macro-économique revient aux Etats membres. Mais ceux-ci ont échoué jusqu’ici et dans les conditions actuelles à s’acquitter de cette fonction de manière efficace. Il en résulte des conditions macro-économiques suboptimales qui peuvent nuire à la productivité et à la performance du marché du travail.
18. L’Union monétaire européenne, comme toute union monétaire au monde, a ainsi besoin d’instituer un mécanisme de stabilisation automatique au niveau européen. Un tel mécanisme assurerait le bien commun dans l’UME en stabilisant la croissance et l’emploi dans le processus des affaires et dans les différents Etats membres. Une première mesure possible pour générer un revenu au budget européen est d’instituer un impôt européen, mais celui-ci reste très sensible au cycle de stabilisation. Le meilleur choix est certainement un impôt européen sur les sociétés, qui serait un impôt européen de base auquelles Etats membres pourraient ajouter des taxes nationales supplémentaires selon leurs préférences sans accroître la charge fiscale total dans l’UE. Une seconde mesure est la création d’un Système Européen pour l’Emploi.
Un Système européen pour l’emploi – un enjeu majeur pour les citoyens
19. Ce Système européen pour l’emploi garantirait une assurance chômage de six mois à tous les citoyens ayant travaillé au moins douze mois dans l’UE, et ce indépendamment de l’endroit où ils ont travaillé ou s’ils ont voyagé à l’intérieur des frontières de l’UE durant cette période. Le montant de l’allocation chômage devrait représenter 50% de leur dernier salaire et être limité à 50% du salaire national moyen du pays dans lequel l’emploi était occupé.
20. Le Système européen pour l’emploi devrait remplacer une partie des systèmes nationaux, sans pour autant accroître les contributions aux charges sociales pesant sur les employés et les employeurs. Son introduction ne devrait pas avoir d’influence sur les orientations nationales en matière de systèmes sociaux. Ce qui pourrait venir s’ajouter à cette contribution européenne de base devrait être laissé à la discrétion de chaque Etat qui pourra décider librement selon ses préférences et traditions.
21. L’assurance chômage pour les citoyens européens est d’abord une forme de protection sociale minimale s’appliquant indépendamment de leur localisation géographique ou de leur degré de mobilité à l’intérieur des frontières de l’UE. Le Système européen pour l’emploi est de plus une avancée dans la mise en place d’une solidarité trans-frontalière, non pas entre les Etats membres mais entre les citoyens, qui tous contribuent et bénéficient du même système d’aide à l’emploi.
22. Economiquement, le Système européen pour l’emploi devrait jouer un rôle important dans l’Union monétaire européenne qui est très mal équipée en terme de mécanismes de stabilisation fiscaux – ce qui répondrait à un besoin urgent. Un Système européen pour l’emploi devrait jouer un rôle de stabilisation macro-économique important en prélevant de l’argent là où l’économie est florissante et en le transférant aux régions ayant besoin d’un coup de pouce fiscal. Tout cela ne pourrait se produire par le biais de longues négociations et marchandages entre gouvernements, mais à travers un mécanisme transparent et clairement défini dans lequel les citoyens sont parties prenantes. Le Système européen pour l’emploi devrait ainsi contribuer à la stabilité macro-économique et de fait, à la croissance et l’emploi, en stabilisant le processus des affaires à travers les régions, qui tendent à s’éloigner les unes des autres dans le cadre actuel de l’UME.
Les PME
23. Le processus de démocratisation de l’UE intéresse plus particulièrement une catégorie économique: les PME. Elles sont de loin la catégorie d’entreprise la plus nombreuse dans l’UE et le premier employeur et premier contribuable de l’UE. Elles occupent donc une place importante pour le maintien d’un tissu économique sain dans l’UE. Les PME constituent également une part importante des traditions locales et régionales et des coutumes, par exemple les producteurs locaux de nourriture, d’artisanat, etc… devraient pouvoir continuer à fournir aux consommateurs leurs offres particulières. Leur survie devrait être assurée car elle fait partie de l’héritage culturel de l’Europe et assure la diversité interne de l’Europe.
24. Cependant, l’influence des PMEs sur la politique économique des affaires est quasiment nulle. Un parallèle peut être fait entre les PME et les citoyens au regard du processus de décision dans l’UE. L’un comme l’autre sont rarement écoutés bien que beaucoup de choses soient décidées en leur nom par des organisations et lobbies qui généralement sont les porte-parole de grandes multinationales. Newropeans considère comme une priorité la démocratisation du processus de décision en matière de politique économique afin de permettre aux PME d’intervenir plus directement et d’opérer un plus grand contrôle sur cette politique.
∴ La position de Newropeans sur les questions socio-économiques – Proposition finale du 10/12/2007
Aujourd’hui le mouvement politique “Newropeans” tel qu’il avait été créé par Franck Biancheri en 2000 n’existe plus. Les archives peuvent être consultées dans le cadre du Franck Biancheri Documentation Centre géré par l’AAFB, Association des Amis de Franck Biancheri, créée en 2012 par les héritiers directs de Franck Biancheri à la suite de son décès (oct. 2012). Seules l’AAFB et la FJME (Fondation Jean Monnet pour l’Europe) à Lausanne sont habilitées à conserver et exploiter les archives de Franck Biancheri.