C’était hier, et ça parait pourtant si lointain.
Le souvenir de ma première rencontre avec Franck, qui a eu lieu à l’initiative de Mica, reste très présent dans ma mémoire. Ce fut un grand moment, heureusement suivi par beaucoup d’autres qui tous m’ont enrichi par la perspicacité des analyses de Franck, la bienveillance avec laquelle il partageait ses points de vue, la pédagogie qu’il déployait pour les mettre à notre portée et l’enthousiasme avec lequel il entrevoyait des solutions.
Notre première discussion avait pour thème : « trop de court terme tue le long terme » et remonte à 2003. Nous constations alors tous les deux à quel point les exigences abusivement court-termistes de la gestion dite moderne de l’entreprise présentaient des risques de plus en plus grands. Même si d’autres causes s’y sont mêlées, il nous a semblé clair, le moment venu, que l’excès de considérations à court terme a largement contribué au déclanchement des crises successives de 2008 et 2010 avec une âpreté au gain immédiat poussant à la fabrication et à la diffusion de produits financiers de plus en plus sophistiqués pour finir par être d’abord toxiques, puis mortels.
Rapidement, nos discussions ont également concerné bien sûr la construction européenne, dont les dérives ont très tôt été démasquées par Franck, qui a été un précurseur éclairé dans son double rôle de « tireur d’alarme » et de « lanceur d’idées », où ses qualités de visionnaire, ses talents d’analyste, ses compétences politiques et ses dons d’anticipation ont fait merveille, même si les oreilles attentives et bienveillantes ont, à l’époque, malheureusement brillé par leur discrétion.
Il me paraît très évident qu’il ne serait pas tombé dans l’erreur des sondages qui, comme beaucoup d’observateurs mal éclairés, prévoyaient une réponse négative à la question du Brexit, mais que, au contraire, il aurait, très tôt, non seulement anticipé le résultat final, mais également prévenu que le risque était grand que la même question posée à la population d’autres pays européens obtienne la même réponse.
Aujourd’hui, son absence est toujours douloureusement ressentie : c’est l’ami qui me manque, mais également ses analyses, ses visions et ses idées. Comme sa contribution serait utile pour tenter d’y voir plus clair dans un environnement de plus en plus complexe, où les abus du court-terme n’ont malheureusement pas été corrigés, mais au contraire amplifiés !
A la cupidité économique poussant aux profits les plus immédiats au risque de compromettre l’avenir, est venue s’ajouter la tyrannie de l’instant qui impose ses lois à tous les étages de la société, aidée par la technologie qui met toutes les informations à portée immédiate de main, qui raccourcit toutes les distances et met tout le monde en contact quasi instantané avec tout le monde.
Au lieu de passer avec raison du court terme au long terme, on est, au contraire, passé du court terme à l’immédiat. Le délai est devenu l’ennemi à raccourcir par tous les moyens, dans tous les domaines et l’immédiateté est l’objectif. Tout tout de suite et tant pis pour l’après. Franck aurait bien sûr eu beaucoup de choses à dire sur cette évolution à contre sens, mais, surtout, il nous aurait éclairés pour mieux comprendre comment nous en sommes arrivés là et pourquoi nous sommes tous le nez de plus en plus dans le guidon sans savoir où nous allons et je ne doute pas qu’il aurait entrevu des pistes de solutions justes, originales et innovantes dans lesquelles il nous aurait proposé de le suivre, ce que nous aurions fait avec enthousiasme.
Franck, ton silence nous pèse, ta présence nous manque et nous pensons beaucoup à toi.
Henri
Henri de Courtivron, en bas à droite de la photo, avec Franck Biancheri (Newrop, 06/11/2005)
(crédit photo: Philippe Portalier)
C’était hier, et ça parait pourtant si lointain.
Le souvenir de ma première rencontre avec Franck, qui a eu lieu à l’initiative de Mica, reste très présent dans ma mémoire. Ce fut un grand moment, heureusement suivi par beaucoup d’autres qui tous m’ont enrichi par la perspicacité des analyses de Franck, la bienveillance avec laquelle il partageait ses points de vue, la pédagogie qu’il déployait pour les mettre à notre portée et l’enthousiasme avec lequel il entrevoyait des solutions.
Notre première discussion avait pour thème : « trop de court terme tue le long terme » et remonte à 2003. Nous constations alors tous les deux à quel point les exigences abusivement court-termistes de la gestion dite moderne de l’entreprise présentaient des risques de plus en plus grands. Même si d’autres causes s’y sont mêlées, il nous a semblé clair, le moment venu, que l’excès de considérations à court terme a largement contribué au déclanchement des crises successives de 2008 et 2010 avec une âpreté au gain immédiat poussant à la fabrication et à la diffusion de produits financiers de plus en plus sophistiqués pour finir par être d’abord toxiques, puis mortels.
Rapidement, nos discussions ont également concerné bien sûr la construction européenne, dont les dérives ont très tôt été démasquées par Franck, qui a été un précurseur éclairé dans son double rôle de « tireur d’alarme » et de « lanceur d’idées », où ses qualités de visionnaire, ses talents d’analyste, ses compétences politiques et ses dons d’anticipation ont fait merveille, même si les oreilles attentives et bienveillantes ont, à l’époque, malheureusement brillé par leur discrétion.
Il me paraît très évident qu’il ne serait pas tombé dans l’erreur des sondages qui, comme beaucoup d’observateurs mal éclairés, prévoyaient une réponse négative à la question du Brexit, mais que, au contraire, il aurait, très tôt, non seulement anticipé le résultat final, mais également prévenu que le risque était grand que la même question posée à la population d’autres pays européens obtienne la même réponse.
Aujourd’hui, son absence est toujours douloureusement ressentie : c’est l’ami qui me manque, mais également ses analyses, ses visions et ses idées. Comme sa contribution serait utile pour tenter d’y voir plus clair dans un environnement de plus en plus complexe, où les abus du court-terme n’ont malheureusement pas été corrigés, mais au contraire amplifiés !
A la cupidité économique poussant aux profits les plus immédiats au risque de compromettre l’avenir, est venue s’ajouter la tyrannie de l’instant qui impose ses lois à tous les étages de la société, aidée par la technologie qui met toutes les informations à portée immédiate de main, qui raccourcit toutes les distances et met tout le monde en contact quasi instantané avec tout le monde.
Au lieu de passer avec raison du court terme au long terme, on est, au contraire, passé du court terme à l’immédiat. Le délai est devenu l’ennemi à raccourcir par tous les moyens, dans tous les domaines et l’immédiateté est l’objectif. Tout tout de suite et tant pis pour l’après. Franck aurait bien sûr eu beaucoup de choses à dire sur cette évolution à contre sens, mais, surtout, il nous aurait éclairés pour mieux comprendre comment nous en sommes arrivés là et pourquoi nous sommes tous le nez de plus en plus dans le guidon sans savoir où nous allons et je ne doute pas qu’il aurait entrevu des pistes de solutions justes, originales et innovantes dans lesquelles il nous aurait proposé de le suivre, ce que nous aurions fait avec enthousiasme.
Franck, ton silence nous pèse, ta présence nous manque et nous pensons beaucoup à toi.
Henri
Henri de Courtivron, en bas à droite de la photo, avec Franck Biancheri (Newrop, 06/11/2005)
(crédit photo: Philippe Portalier)