The recent episode of Brexit emphatically highlighted many weaknesses and shortcomings which demonstrate that neither economics nor politics is an exact science – starting with the economic commentators, who, in their vast majority, asserted that the Brexit will not happen, supported in this belief by polls, which also, overwhelmingly, presaged a defeat for Brexit supporters. The result is as we know it; journalists were very quick to predict an impending disaster for the United Kingdom, although the impact of Brexit was inevitably mitigated by the fact that the British decided to exit that which they had never completely entered. Again, the doomsayers were mistaken and the United Kingdom did not collapse. But commentators believe that it won’t be long and the British will certainly not get away so easily.
But it is ignorant of us to think that our British friends will not mobilize all their pragmatism, dynamism, sense of their collective best interest, and they will not react positively to ensure their country a satisfactory economic development in the context they have given themselves. After all, for now their economy remains on track, only the real estate prices are declining in London, but after skyrocketing in recent years, the damage is minimal. Regarding relations with the European Union, we can be confident of their ability to negotiate and defend their common interests, as they always did when they were members; make the best possible use of their relations with the Brussels authorities and obtain, as they have always managed, exceptionally favorable treatment for which they have the secret recipe.
But while commentators and journalists have been generally mistaken about the different phases of Brexit, which after all was their own responsibility – and perhaps they eventually will get it right – it is more pertinent to see how our politicians deafen us with their silence on the true lessons of Brexit. We are told that the British have made a serious mistake by voting for exiting the European Union, and that, of course, it shall surely not be that the voters of the countries of continental Europe will do the same and that they can be trusted to have the good sense to not commit, in turn, such an error.
This is certainly a misinterpretation of the motives of the British and there is no inclination to acknowledge that, if the same question was asked in countries like France, Germany, Italy and probably Spain and others, the answer would be the same and the majority would probably be enough for an exit from the European Union, especially as the English example sets a precedent that could make the voters more courageous. The mistake would be to think that voters are against Europe, but probably, that’s not the message they wish to convey. European citizens as a whole are not against Europe, but they are against Europe as it is presented to them, and often imposed.
The criticisms made about European integration are now widely known.
It starts with a definition of the European project. How can we ask the citizens to join a project when, we are not even able to define the perimeter and to finally settle the question whether Turkey should or should not be in and when, enlargement of Europe is done haphazardly, to include a large number of countries with totally disparate and often irreconcilable economic situations and varied objectives?
The second criticism is obviously about the serious democratic deficit in the European construction. The Brussels authorities, who have no democratic legitimacy, impose constraints, which sometimes, even go against democratic decisions at a national level. It even happens that democratic consultations, if they do not like our leaders, can be circumvented by pseudo-democratic arrangements, which electors find quite hard to take and will remember for a very long time.
Finally, the general impression is that European integration is done at the cost of an absurdly privileged bureaucracy, cumbersome and expensive, too concerned with matters which are of petty importance and not focusing effectively enough on critical matters as tax harmonization, legal, economic, etc.
As long as one does not understand that Brexit must be interpreted as a free warning and it highlights the absolute urgency to clearly answer questions asked by citizens of continental Europe and to correct the fundamentals of the European construction, the most extremist movements of all stripes will be increasingly attracting sell-out audiences.
Those who have long cried in the wilderness, stressing the dangers of the democratic deficit in Europe and the lack of clarity of the European project, are being joined by an increasing number of citizens who, if they do not find satisfactory answers provided by the political parties that claim to be their leaders, will have no choice but to express their resentment and anger, by giving their votes to parties that are usually considered to be untrustworthy. The responsibility for this situation, which can lead Europe into a severe turbulence and unpredictable consequences, will become clear to political parties who pretend to be trustworthy.. for now, failing to assume responsibility, they are mostly faint hearted and lethargic. This presumes that a number of politicians across different parties, recognize their mistakes; and everyone knows that this is not their forte. Their awakening, and ours, are likely to be painful.
Henri de Courtivron
(September 2016)
L’épisode récent du Brexit a largement mis en lumière de nombreuses faiblesses et défaillances qui montrent à quel point ni l’économie ni la politique n’est une science exacte. À commencer par les commentateurs économiques qui, dans leur grande majorité, affirmaient que le Brexit ne se produirait pas, appuyés en cela par des sondages qui, également, dans leur ensemble, laissaient présager une défaite des partisans du Brexit. Le résultat est celui que l’on connaît, et les chroniqueurs se sont alors empressés de prévoir une catastrophe imminente pour le Royaume Uni, même si l‘impact du Brexit était fatalement atténué par le fait que les Britanniques décidaient de sortir de là où ils n’étaient jamais complètement rentrés. Là encore, les oiseaux de mauvais augure se sont largement trompés et le Royaume-Uni ne s’est pas effondré. Mais, estiment les mêmes commentateurs, ça ne saurait tarder et les Britanniques ne s’en tireront certainement pas à si bon compte aussi facilement.
Mais c’est bien mal connaître nos amis britanniques que de penser qu’ils ne vont pas mobiliser tout leur pragmatisme, leur dynamisme, leur sens de leur intérêt collectif bien compris, et qu’ils ne vont pas réagir de façon positive pour assurer à leur pays un développement économique satisfaisant dans le contexte qu’ils se sont eux-mêmes donné. Après tout, pour l’instant leur économie se maintient très correctement, seuls les prix de l’immobilier se sont un peu tassés à Londres, mais après leur hausse vertigineuse au cours des dernières années, le mal est bien minime. En ce qui concerne leurs relations avec l’Union Européenne, on peut faire confiance à leur sens de la négociation et à la défense de leur intérêt commun pour, comme ils l’ont toujours fait lorsqu’ils en étaient membres, tirer le meilleur parti possible de leurs relations avec les autorités bruxelloises et obtenir, comme ils y sont toujours parvenus, les traitements favorables dérogatoires dont ils ont le secret.
Mais, si les commentateurs et les journalistes se sont dans l’ensemble largement trompés sur les différentes phases du Brexit, ce qui après tout n’engage qu’eux, et peut-être même qu’ils finiront par avoir raison, il est en revanche beaucoup plus grave de constater à quel point nos hommes politiques nous assourdissent par leur silence sur les vraies leçons à tirer du Brexit. On nous explique que les Britanniques ont fait une grave erreur en votant leur sortie de l’Union Européenne et que, bien évidemment, il ne faut surtout pas que les électeurs des pays de l’Europe continentale fassent de même et que l’on peut d’ailleurs faire confiance à leur bon sens pour qu’ils ne commettent pas, à leur tour, une telle erreur.
C’est certainement très mal interpréter les motivations des Britanniques et c’est ne pas vouloir constater que, si la même question était posée dans des pays comme la France, l’Allemagne, probablement l’Italie et l’Espagne, et d’autres, la réponse serait la même et la majorité serait assez probablement pour une sortie de l’Union Européenne, d’autant plus que l’exemple anglais crée un précédent susceptible de donner plus d’audace aux électeurs. L’erreur consisterait à penser que les électeurs sont contre l’Europe, mais ce ne serait sans doute pas le message qu’ils souhaiteraient faire passer. Les citoyens européens dans leur ensemble ne sont pas contre l’Europe, mais ils sont contre l’Europe telle qu’elle est leur est présentée et, bien souvent, imposée.
Les reproches qui sont faits à la construction européenne sont maintenant largement connus.
Il s’agit tout d’abord de la définition du projet européen. Comment peut-on demander à des citoyens d’adhérer à un projet quand on n’est même pas capable d’en définir le périmètre et de trancher enfin la question de savoir si la Turquie doit ou non en faire partie et lorsque l’élargissement de l’Europe est fait de façon désordonnée jusqu’à aboutir à un grand nombre de pays aux situations économiques totalement disparates et aux objectifs variés, voire inconciliables ?
Le second reproche est évidemment celui de la grave carence démocratique de la construction européenne. Les autorités bruxelloises, qui ne disposent d’aucune légitimité démocratique, imposent des contraintes qui vont parfois à l’encontre de décisions prises démocratiquement au niveau national. Il arrive même que les consultations démocratiques, si elles ne plaisent pas à nos dirigeants, soient contournées par des montages pseudo démocratiques qui restent en travers de la gorge des électeurs qui s’en souviennent longtemps.
Enfin, l’impression générale est que la construction européenne se fait au prix d’une bureaucratie absurdement privilégiée, lourde et coûteuse, qui se préoccupe de sujets sur lesquels personne ne l’attend pas et qui ne se concentre pas de façon suffisamment efficace sur les tâches qui devraient être les siennes : harmonisation fiscale, juridique, économique, etc.
Tant que l’on ne comprendra pas que le Brexit doit être interprété comme un avertissement sans frais et qu’il met en évidence l’urgence absolue de répondre clairement aux questions que se posent les citoyens de l’Europe continentale et de corriger ce qui doit l’être dans la construction européenne, les mouvements les plus extrémistes de tout bord auront de plus en plus d’audience.
Ceux qui, depuis longtemps, crient dans le désert en insistant sur les dangers du déficit de démocratie au sein de l’Europe et du manque de clarté du projet européen sont en train d’être rejoints par un nombre de plus en plus important de citoyens qui, s’ils ne trouvent pas de réponses satisfaisantes fournies par les partis politiques qui se prétendent responsables, n’auront pas d’autre choix que d’exprimer leur ressentiment et leur colère en apportant leurs suffrages à des partis qu’il est d’usage de considérer comme étant moins responsables. La responsabilité de cette situation qui peut entraîner l’Europe dans une zone de turbulences graves et aux conséquences imprévisibles sera clairement celle des partis politiques qui se prétendent responsables. Pour l’instant, à défaut d’être responsables, ils sont surtout peu courageux et plutôt endormis. Il est vrai que cela suppose qu’un certain nombre d’hommes politiques, de tout bord, reconnaissent leurs erreurs et tout le monde sait que ce n’est pas leur fort. Leur réveil, et le nôtre, risquent d’être douloureux.
Henri de Courtivron
(Septembre 2016)